« JE ME SUIS DÉCOUVERT UNE RÉSISTANCE HORS DU COMMUN » LA COMÉDIENNE ENORA MALAGRÉ RACONTE SON ENDOMÉTRIOSE
Interview d’Enora Malagré, du 8 avril 2022 dans fémininbio par Adèle Gireau.
On l’a connue comédienne et chroniqueuse du petit écran, mais c’est aujourd’hui dans la lutte contre l’endométriose qu’elle met toute son énergie. Atteinte de la maladie depuis plus de dix ans, Enora Malagré est aujourd’hui la marraine de l’association Info Endométriose. Après un mois intense de campagne de sensibilisation en mars, elle revient avec nous sur son combat. Rencontre avec une femme résiliente au grand coeur.
FemininBio : Vous sortez en 2019 votre livre Un cri du ventre, avez-vous changé de regard sur la maladie depuis ?
Enora Malagré : Pas vraiment, j’avais déjà fait un joli chemin et la sortie du livre m’a beaucoup aidée à accepter ma maladie, et me faire entendre. Je pense que j’étais la première à en parler de manière si frontale, et ça m’a guéri. Je suis toujours malade, mais je me sens moins seule, car j’ai à mes côtés toute une armée d’endogirls. Elles me suivent sur les réseaux sociaux, je les lis et les accompagne, mais l’inverse est réel aussi, je me confie beaucoup, et j’en apprends davantage. J’ai aussi appris à arrêter de me médicamenter, et plutôt me reposer sur des méthodes plus élaborées à l’étranger comme des médecines alternatives : la musicothérapie, la respiration, l’acupuncture… Elles m’ont permis d’appréhender beaucoup mieux les crises.
Vous êtes proche de vos endogirls, quelle énergie se dégage de ce groupe de solidarité ?
Elle est éblouissante ! Je ne rencontre que des femmes courageuses, qui ont souvent l’impression de baisser les bras mais ont une combativité énorme. Elles m’épatent, de tout âge, même si selon moi, celles qui forcent encore plus le respect, ce sont les anciennes. Elles ont connu des vies de souffrance, sans solution, sans pilule en continu… Ce sont des déesses. Et à chaque fois que l’on se croise dans la rue, on se serre dans les bras en pleurant. Parce qu’elles sont résilientes, courageuses, et c’est un lien tellement fort qui nous unit. Je suis fière d’elles, de la façon dont elles se battent, et je suis admirative de voir notre jeunesse qui prend le relai avec autant de vigueur et d’enthousiasme. Je me dis que l’avenir est réjouissant.
Observez-vous un écart générationnel dans le discours entre les plus jeunes et les plus anciennes ?
Oui, les jeunes verbalisent beaucoup plus, même si malheureusement, malgré leur prise de conscience, il n’y a toujours pas de traitement. Mais c’est un premier pas vers la victoire que de le dire, de le signifier. Quand elles ont mal pendant les rapports sexuels, elles en parlent à leur partenaire, ou quand elles ont mal en journée, elles ne vont pas au travail, et ça c’est génial, car on fait exister la maladie.
Qu’est ce que l’endométriose vous a appris ?
J’ai longtemps eu honte, et culpabilisé pendant des années, car on m’avait dit que j’avais de l’endométriose à cause de mon avortement, ou que j’avais une mauvaise hygiène de vie, ou que je n’avais pas encore d’enfant… Et ça nourrit une culpabilité immense, qui est tenace. Encore aujourd’hui à 41 ans, elle est encore un peu là, et elle me ronge. Mais avec le temps, je me suis découvert une capacité de résistance hors du commun, ce qui est le cas pour toutes les femmes qui souffrent de la maladie. Cela a aiguisé ma compassion, et quelque part, je suis devenue plus sage. Je suis assez fière de ce que j’ai accompli avec tout ce que j’ai enduré : parfois c’est bien de s’autocongratuler ! Chaque jour est une victoire. Aujourd’hui je suis en pleine forme, et ça m’émeut car je sors d’un tunnel de douleur de quinze jours où je ne pouvais pas marcher. Alors j’en profite pour faire mon ménage, mes rendez-vous… C’est ça la maladie, chaque jour est différent. Et ça vous désociabilise énormément, vous ne pouvez pas aller au travail, aux anniversaires, aux soirées entre copines…
Vous évoquiez dans une interview la possibilité de vous faire enlever l’utérus…
Alors ça c’est une erreur, car je ne compte pas du tout le faire ! D’autant que l’hystérectomie ne sert absolument pas dans mon cas, car l’endométriose se loge ailleurs que dans l’utérus.
Envisagez-vous d’avoir recours à l’adoption ?
C’est quelque chose qui me trotte dans la tête. Il n’y a pratiquement aucune chance que je sois maman naturellement, mais il y a d’autres façons de l’être. Je suis en train de faire le deuil d’être enceinte, mais pas d’être maman. Je me pose des questions, mais je suis en couple et c’est une réflexion qu’il faut avoir à deux.
Vous êtes la marraine de l’association Info Endométriose. Quel est votre rôle auprès d’elle ?
J’essaie au maximum de faire du bruit autour de la maladie, des actions menées par l’association. J’ai une énorme admiration envers Cécile Togni-Purtschet, la présidente d‘Info Endométriose, c’est elle qui déplace les montagnes. Je trouvais que c’était cohérent de poursuivre le combat que je mène depuis longtemps avec cette association qui me correspond. Leur nouvelle campagne est puissante, moderne, chic, et efficace. On utilise les bons mots, on y fait parler celles que l’on n’entend jamais, avec des témoignages que l’on a pas l’habitude d’écouter.
Je vis, je dors, je mange endométriose, et je pense que je soûle mes amis avec ça (rires). Je milite constamment, même s’il reste un énorme travail à effectuer, notamment en province. A Paris on en parle beaucoup, mais par exemple en Bretagne, où je vais régulièrement, il y a une certaine méconnaissance de la maladie. Il faut aller sensibiliser partout, au-delà du périphérique.
La campagne « Toujours là » rappelle l’handicap invisible qu’est l’endométriose, avez-vous déjà eu ce sentiment ?
Oh oui, à tous les niveaux. Je fais partie de cette génération où les gens pensaient que l’endométriose était une déesse grecque. Et quand j’ai annoncé publiquement ma maladie, en direct, à la télévision, ça a été accueilli dans une indifférence totale, personne n’a réagi, alors que j’annonçais devant des millions de personnes que j’allais probablement ne pas avoir d’enfant car j’avais une grave maladie. Les mots « souffrance » et « femme » ont toujours fait bon ménage : on est sous-payées, on doit se taire, on est victime de sexisme, on doit se taire, on a mal, on doit se taire. Si cela avait été une maladie d’homme, on aurait déjà trouvé la solution. Heureusement, en sortant de l’émission j’ai reçu des milliers de messages sur les réseaux sociaux de femmes qui traversaient les mêmes épreuves, et là j’ai réalisé qu’il y avait un vrai engagement à prendre.
Info Endométriose
Créée en 2015, l’association Info-Endométriose lance la première campagne nationale d’information et de sensibilisation à l’endométriose en 2016, intitulée « Les règles c’est naturel, pas la douleur ». Depuis, l’association a pour but de libérer la parole, de sensibiliser et de faire connaître la maladie au plus grand nombre. A cela s’ajoutent des actions de plaidoyer auprès des politiques et des pouvoirs publics qui débouchent sur des partenariats et des actions à l’échelle nationale et internationale. En mars 2022, l’association lance la campagne “Toujours là.”, qui met en lumière des femmes atteintes d’endométriose et libère la parole. C’est le message qui prime et l’immersion au cœur de l’intimité des personnes atteintes : l’attention est mise sur la prise de parole.
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