Endométriose : on en parle enfin à mots ouverts
28 mars 2021
Le 28 mars 2021 par Terriennes Liliane Charrier pour TV5 Monde
L’endométriose enfin traitée au grand jour. Désormais reconnue comme un réel enjeu de santé publique en France, cette maladie féminine invalidante ne se cache plus. Mieux la faire connaître, la diagnostiquer et la prendre en charge : sur les réseaux sociaux ou dans des vidéos diffusées à la télévision, à travers des témoignages brisant les non-dits, une campagne médiatique met les mots sur les maux, tandis que le gouvernement français prépare une stratégie nationale contre la maladie.
L’endométriose touche entre 150 et 180 millions de femmes en âge de procréer dans le monde, dont entre 1,5 et 3 millions en France. Pourtant, cette maladie chronique est longtemps restée méconnue du grand public, en dépit de symptômes invalidants pour les femmes. L’endométriose, c’est le développement de tissu utérin à l’extérieur de l’utérus, qui provoque des kystes douloureux et peut compromettre la fertilité des malades. Elle n’a d’ailleurs longtemps été diagnostiquée que lorsqu’elle était cause d’infertilité, alors que seulement 30% à 40% des femmes atteintes ont des difficultés à avoir un enfant.
Stratégie nationale
Pour le ministre de la Santé français, l’heure est venue de s’attaquer à ce qu’il reconnaît comme un enjeu de santé publique. Le 19 mars 2021, quelques jours après la fin de la 17e semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, Olivier Véran lançait une mission chargée de l’élaboration, d’ici fin avril 2021, d’une stratégie nationale contre l’endométriose.
La mobilisation porte ses fruits, enfin
Cela fait des années que les malades et associations, se mobilisent, agissent et informent pour faire reconnaître l’endométriose. Tous les ans, malades et militantes de plus de 60 pays se réunissent pour une « marche mondiale pour l’endométriose », à l’initiative d' »Endomarch« , lancée aux Etats-Unis en 2014. Un rassemblement qui permet aux malades et à leur entourage, souvent isolés, seuls et démunis face à l’endométriose, de s’informer, échanger et se rencontrer.
En 2016, l’association Info-Endométriose, fondée parChrysoula Zacharopoulou et Julie Gayet,lance une première campagne nationale d’information et de sensibilisation à l’endométriose en France pour toucher le grand public et les professionnels de santé. Objectif : sensibiliser ceux n’ont jamais vraiment entendu parler de l’endométriose, ou ne savent pas à quel point cette maladie gynécologique est fréquente et invalidante.Depuis, des associations comme Endofrance ou Info-Endométriose libèrent la parole et informent pour faire connaître l’endométriose au plus grand nombre.
En 2021, entre le 8 et 15 mars, semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, France Télévisions a diffusé sur ses chaînes du service public des spots d’information réalisés par l’association Info-Endométriose en 2019, auxquels ont participé des personnalités connues : Julie Gayet, Coline Beal, Léonie Simaga, Yannick Choirat, Camille Chamoux et Anna Mouglalis y sont tour à tour le visage d’un portrait. Programmés en début de soirée, entre le journal et la météo, ces petits films inspirés de témoignages réels ont touché des millions de Français.e.s pour continuer à lever le tabou sur la maladie chronique.
Dans ce clip réalisé par Info-Endométriose, l’actrice Julie Gayet, présidente d’honneur de l’association, explique dans ce clip les craintes d’une mère face à la maladie :
Les associations s’emploient aussi à faire inscrire l’endométriose dans la liste des « ALD30 » du fait de son caractère chronique et invalidant – la liste des 30 affections de longue durée (ALD 30) qui donnent lieu à une exonération du ticket modérateur :
Une maladie invalidante
En juin 2020, une enquête de l’association EndoFrance révélait que 65% des femmes atteintes d’endométriose notent un impact négatif de la maladie sur leur vie professionnelle. La moitié des participantes estiment que l’endométriose a entravé leur carrière professionnelle en comptant parmi les causes de licenciement, contrat non renouvelé, moindre avancement de carrière, perte de clients, etc. Contrairement aux autres maladies chroniques, l’endométriose apparaît dès l’adolescence. Son impact se ressent donc aussi sur les études, l’orientation scolaire, l’entrée sur le marché du travail des filles…
En novembre 2020, c’est l’étude d’Alice Romerio, chercheuse au Centre d’études de l’emploi et du travail (CETT), qui montrait combien cette maladie invisible et complexe affecte le quotidien et la carrière professionnels des femmes – un tiers des malades disent devoir quitter leur travail au moins une fois par mois pour rentrer chez elles ou consulter un médecin tant la douleur est intense.
Dans ce clip vidéo réalisé pour l’association Info-Endométriose, l’actrice Anna Mouglalis rapporte le témoignage d’une femme qui s’est longtemps sentie obligée de recourir à des stratégies de fuite ou d’évitement pour cacher sa maladie.
Les cinq travaux de Chrysoula Zacharopoulou
La mission d’information, de diagnostic et de prise en charge de l’endométriose voulue par le gouvernement est confiée à l’eurodéputée LREM Chrysoula Zacharopoulou, chirurgienne-gynécologue, spécialiste de l’endométriose et très engagée sur le sujet depuis des années. Elle devra répondre « aux cinq défis principaux que nous pose cette maladie : sa détection, le parcours de soins des patientes, leur prise en charge, la recherche et la communication« , déclare Olivier Véran lors de la réunion de lancement.
La future stratégie nationale vise « d’abord à faire connaître l’endométriose et éduquer les nouvelles générations« , ainsi que former les professionnels de santé, des médecins généralistes aux infirmières scolaires, en passant par les gynécologues et les médecins du travail, pour améliorer le diagnostic, souligne Chrysoula Zacharopoulou.
« Une approche transversale est indispensable : l’éducation, le monde du sport, le monde de l’entreprise doivent être informés et sensibilisés sur la maladie« , ajoute Chrysoula Zacharopoulou, notant que l’endométriose « peut considérablement affecter le parcours éducatif des jeunes filles et la vie professionnelle des femmes« .
Première cause d’infertilité en France
En 2019, déjà, le gouvernement avait lancé un plan pour améliorer la prise en charge de cette maladie, « première cause d’infertilité en France ». Il prévoyait notamment la mise en place de filières régionales rassemblant les divers spécialistes de la maladie. Même si sa mise en oeuvre a pris du retard en raison de la crise sanitaire, le ministère vise une filière dans chaque région d’ici la fin de 2021.
De fait, la méconnaissance de la maladie entraîne un retard diagnostic pouvant actuellement aller jusqu’à dix ans et compromettre les chances de réussite des traitements de fertilité. C’est ce qu’explique le témoignage interprété par la comédienne et metteuse en scène Léonie Simaga :
Prise en charge de la souffrance physique et morale
L’endométriose, sur laquelle les connaissances restent lacunaires, est liée à la présence de cellules d’origine utérine en dehors de l’utérus, qui réagissent aux hormones lors des cycles menstruels. Parfois asymptomatique, elle peut aussi se manifester par des règles abondantes et de violentes douleurs pelviennes, mais aussi, outre l’infertilité, par des douleurs lors des rapports sexuels, une fatigue chronique, des troubles digestifs et urinaires… Les traitements préconisés, hormonaux et/ou chirurgicaux, permettent seulement d’atténuer certains symptômes.
Appelant à se libérer du « tabou » autour des règles, Chrysoula Zacharopoulou a également mis en avant la nécessité pour cette mission de se pencher sur les questions de prise en charge de la douleur, d’accompagnement psychologique et social, et sur l’accès à l’assistance médicale à la procréation. « Je vous invite, aujourd’hui et dans les semaines de travail que nous avons devant nous, à être innovants, à être créatifs, à ne pas avoir peur de nous bousculer. C’est un espoir pour des centaines de milliers de nos concitoyennes touchées par cette maladie« , assure le ministre français de la Santé Olivier Véran.
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